Les fondations
De la même façon que les fondations d’une maison sont d’une importance capitale pour maintenir toute la structure du bâtiment, les fondations de l’aïkido sont les fondements même de l’art. Ils sont le b.a.-ba de la discipline. Sans eux, les techniques sont vides de sens.
Ces fondations ne sont toutefois pas exclusives de notre art martial. Tous les arts japonais attendent dans leur exécution Shisei, Kamae ou Ma aï, que ce soit l’Ikebana, la calligraphie, la cérémonie du thé ou les autres arts martiaux.
Il est toutefois difficile d’expliquer avec des mots ces notions car elles sont de l’ordre de l’intuitif. Elles se voient plus qu’elles ne s’expliquent. Essayons donc de décrire l’attitude d’un expert lors d’un combat.
Confronté au danger immédiat, le maître se tient droit, sa respiration est calme (kokyu ryokyu), une grande force émane de lui, son regard transperce l’adversaire et va au-delà. Il ressemble à un animal prêt à bondir sur sa proie. Aucune peur ne se lit dans son regard. Il ne parle pas, n’insulte pas, ne juge pas, ne fanfaronne pas. Son visage est un miroir vide dans lequel l’adversaire se voit. Cette attitude (Shisei) suffit bien souvent à arrêter l’agressivité et à créer le doute chez l’adversaire.
Si on adopte une vision d’ensemble, on s’aperçoit que l’expert est parfaitement placé . Il n’est ni trop loin de l’attaquant, ni trop près (Ma aÏ). Aucune ouverture n’est décelable. Il est d’une vigilance extrême (Kamae), prêt à réagir au moindre mouvement. S’il n’y a pas d’autre issue que le combat, la distance sera réduite de son propre chef, sans peur, manipulant ainsi l’adversaire à son avantage.
Dans l’action le combattant accompli rentre avec conviction dans l’adversaire (Irimi), sans tergiverser, les épaules détendues. Non pas en force mais dans une recherche du vide dans le but de déséquilibrer l’adversaire. Il cherche le déséquilibre de l’attaquant mais ne perd jamais le sien (Taïsabaki). Il est comme la toupie qui tourne sur elle-même mais ne semble
pas bouger. L’esprit est stable alors que le corps bouge.
Lors d’un passage de grades ces fondations doivent être visibles dès l’entrée sur le tatami, sur « le champ de bataille ». Maître Tamura pouvait refuser d’accorder un grade à un pratiquant à la façon de le voir poser ses armes en début d’épreuve. « Il est déjà mort ! »
L’Aïkido n’est pas une danse, mais un art martial qui peut vous sortir d’une situation critique, entre la vie et la mort, dans laquelle aucune règle n’est respectée par l’adversaire (et bien souvent « les adversaires » !). Devenir un expert nécessite un apprentissage long et un investissement de tous les instants. Pour ne pas vous tromper de route et vous égarer sur la voie, ayez toujours en tête ces fondations.
Le Ruisseau